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Episodes avec Alice: Suivant (#36)



Je vous présente Alice, ma nièce de 8 ans. En général, j’aime pas les mioches, mais elle a juste l’âge où on commence à dire des trucs intéressants, et pas encore de boutons sur la gueule. Et puis surtout, elle est très intelligente pour une mioche. Pas comme ses parents. Elle tiendrait plutôt de son oncle, en toute modestie.



Alice met souvent le doigt sur les contradictions des adultes. Encore faut-il être assez ouvert pour écouter ce qu’elle vous dit… Une qualité qui se perd avec l’âge, l’aliénation par le travail, la publicité et la télévision, qui font de nous des zombies consommateurs. A 8 ans, elle est encore préservée.

Là, par exemple, elle a bien vu qu’il y avait une contradiction flagrante entre mon boulot et mes idées. Ben oui, je sais bien que la voiture pollue, surtout un taxi qui roule tout le temps… Chaque fois que je fais le plein - tous les trois jours en moyenne - je participe au réchauffement climatique, et il faut être opportuniste comme Donald Trump ou corrompu comme Claude Allègre pour en nier l’existence. Évidemment que je préférerais ne pas polluer, et vivre dans une ville sans particules fines… Mais en même temps, je ne peux pas m’arrêter de bosser du jour au lendemain, sous prétexte que je pollue : à mon âge, mes chances de reconversion sont à peu près les mêmes que la probabilité que Philippe Poutou devienne président de la République.

On passe nos vies dans ce genre de contradictions. On voudrait manger bio, mais on n’a pas les moyens. On voudrait acheter local, mais on n’a pas le temps. On voudrait s’engager, mais on est trop fatigués. Comment s’en sortir ? Beaucoup abandonnent leurs idéaux, très jeunes, et décident de se laisser porter par la vie. C’est comme ça qu’on va droit dans le mur, tous ensemble - en particulier sur le plan écologique.

Il y a quand même une chose dont je suis sûr. Une chose que mes années de taxi m’ont appris. C’est que les gens puissants ont beaucoup moins d’excuses que les autres. J’en trimballe tout le temps, des gens puissants, et ils adorent se cacher derrière leur petit doigt : les actionnaires ceci, la société cela, on ne peut pas lutter contre la marche du monde, on n’est que des pions… Non ! Quand on est député ou directeur d’une grande société, on n’est pas qu’un pion. On a les moyens de changer certaines choses, et on ne peut pas se défausser de sa volonté. Je ne prononce jamais cette phrase manipulatoire : « Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice ». A moi, il me semble évident qu’un type musclé de 120 kilos (le député) peut faire plus sur un chantier qu’une petite fille de 7 ans (le clandestin qui fait la plonge dans un kébab). Et quand je vois la générosité et l’engagement de petites vieilles et de gens pauvres, pour défendre les migrants par exemple, dans des associations misérables où jamais un puissant ne met le pied, j’ai honte pour mes clients.

Et il y a une autre chose que je voudrais dire : il faut se méfier. Les puissants adorent les faux-semblants. Les politiques adorent parler de transparence et d’éthique, et on sait combien ils magouillent, derrière… Les grandes entreprises sont amoureuses des beaux discours sur l’écologie et la responsabilité sociale, et on récolte leurs marées noires, et on bouffe leurs bouses en boîte, et elles refusent l'impôt. Il faut se méfier des puissants qui font tout pour nous faire croire qu’ils vont dans le sens de l’histoire, alors que bien souvent, seuls leurs intérêts décident. Il faut fouiller, lire, exercer son esprit critique. Sauf que ça prend du temps, et entre le boulot et les mioches, on n’a pas le temps.

Bel exemple d’enfumage total : le 4x4 en harmonie avec la nature… Méfions-nous ! Les images sont très fortes, quand la publicité coûte des millions d’euros.



Alice, autant te prévenir : ta génération est vraiment dans la merde.

Michel de La Teigne

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