Galerie Toutes les histoires Qui suis-je?


Bon, je lui demanderai la prochaine fois... Je serai plus malin, plus attentif. Je vous avoue que je suis tellement détendu avec elle, depuis notre dernière rencontre, que je n'ai pas eu la délicatesse de l'écouter. Bien fait pour moi.


En me demandant pourquoi je suis plus à l'aise maintenant, je me rends compte que la réponse est assez simple... Je peux la résumer en une phrase élégante, attribuée à Pascal - le philosophe, pas le grand frère - l'homme préfère la chasse à la pêche à la prise. C'est triste, mais c'est une règle de la séduction : le désir monte, monte... Et sitôt qu'il est assouvi, tout est différent. Alimatou reste pour moi un fantasme merveilleux, une tentation brûlante... Mais je dois le confesser - au risque de choquer mes lecteurs les plus romantiques - j'ai peut-être un peu moins d'amour pour elle depuis que nos corps se sont rencontrés. Elle est devenue réelle, c'est-à-dire imparfaite. Ainsi va la loi du désir : dura sex, sed lex.

En parlant de Pascal, il faut que je vous dise à quel point j'ai haï ce philosophe, plus jeune. Presque à ce point-là :

Ils y vont fort, les Québécois, quand ils veulent salir quelqu’un… Mais Pascal l’a bien cherché avec une phrase aussi conne.

Un de mes professeurs de philosophie, à l'université, adorait Pascal. Il le citait à tout bout de champ, pour justifier sa morale catholique. Or, je n'ai pas peur de le dire : Pascal était un exécrable philosophe. Un très bon mathématicien, un esprit brillant, un grand auteur de prose, si vous voulez... Mais ça n'a rien à voir avec la philo.

Pascal soumettait sa raison à sa religion, ce qui est un dévoiement impardonnable en philosophie. Il refusait de se soigner par exemple ; comme certains croyants obscurantistes, et clamait, très fier de lui : la maladie est l'état naturel du chrétien. Autrement dit, l'obéissance à Dieu vaut mieux que la raison. Il croyait aussi aux miracles religieux, et affirmait en avoir constaté dans sa famille. Quel crédit peut-on accorder à un sage pareil ? Sans parler du fameux « pari de Pascal » : un très mauvais calcul philosophique, beaucoup moins brillant que la « théière de Russell » - je laisse les curieux méditer sur ce parallèle.

Reste à Pascal la qualité littéraire de sa prose. Soit, sa langue est agréable à lire. Mais cela ne vaut rien, en philosophie ! Le talent artistique et la sagesse sont deux choses aussi différentes que l'eau et le feu. Van Gogh était un immense artiste... Et pourtant, il s'est coupé l'oreille. Les philosophes ne se coupent pas l'oreille. Si ceux qui écrivent le mieux étaient les meilleurs philosophes, Kant serait une merde philosophique, située quelque part entre Luc Ferry et mon beau-frère...

Il n'y a que des croyants mal embouchés pour voir en Pascal un philosophe brillant. Ils essaient ainsi d'instrumentaliser sa réputation de grand penseur, au service de l'Eglise... Le Pape François aimerait d'ailleurs béatifier Pascal ! C'est la « spiritualité théologique » qui se cherche une légitimité intellectuelle ; elle voudrait se rapprocher de la philosophie, en avoir la rigueur... Alors qu'elle n'est qu'une construction factice, un ersatz de pensée au service de la Bible, soutenue à bout de bras. Il faut cesser d'enseigner que Pascal fut un grand philosophe.


Quant à Alimatou... Je m'en veux. Je jure de l'écouter davantage, à l'avenir.

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