L’habit ne fait pas le moine. Et pourtant, la plupart des gens se laissent encore impressionner par les apparences…
A quoi sert le fameux habit vert de l’académicien, brodé de rameaux d’olivier en fil d’or ? A facturer quelques dizaines de milliers d’euros imméritées à Christian Lacroix ? Et cette épée ridicule, sagement rangée dans son fourreau ? Défend-elle vraiment ceux qui la portent de la première brute venue, qui vous estourbirait un académicien à mains nues ? Et cette cape noire digne d’une mauvaise version de Dracula ?
Ces pédants artifices ont une fonction sociale : faire sentir au quidam qu’il n’est pas du même monde. C’est la stricte vérité : l’habit sert ou bien à se vêtir, ou bien à se distinguer. Dans le cas de nos vieillards, il est clair qu’il s’agit de se distinguer, qu’on ne les prenne pas pour des gens ordinaires, qui portent des jeans ou des shorts.
Vous trouvez ces vêtements ridicules ? Moi aussi. Mais les vieux bourgeois de ce pays, eux, se disent qu’un homme qui porte du fil d’or doit écrire merveilleusement bien. C’est pathétique, c’est un raisonnement d’enfant immature, mais c’est comme ça.
Les vieux bourgeois qui achètent des livres - cela ne veut pas dire qu’ils les lisent… - ne sont pas les seuls à se faire avoir. On a vu des fans de Lady Gaga l’admirer parce qu’elle joue du piano debout sur un tabouret en string pailleté - ce dont elle pourrait très bien se passer, puisqu’elle ne chante pas si mal…
Ce n’est pas un sujet anodin : des fortunes colossales sont ainsi bâties par des gens qui n’ont aucun talent, si ce n’est celui de savoir paraître. Les « artistes » les plus riches, dans des genres très différents - de la pop au vlogging, de l’art contemporain au rap - ont basé leur carrière sur leur apparence, alors qu’ils ont souvent moins de talent que les musiciens de la boîte de jazz en bas de chez moi, qui crèvent la faim en se partageant à 4 ou 5 cinquante euros de recette pour 3 heures de concert - et des décennies de travail, de répétitions, de recherche artistique - sans guillemets cette fois - et d’espoirs, et d’illusions, et de démonstration que le talent ne paye pas.
Tant que j’y suis, j’ai une autre info à partager : le travail ne paye pas non plus. Vous gagnerez plus dans votre vie en héritant de deux appartements en ville et en les louant sans rien foutre sur Airbnb, qu’en travaillant honnêtement. C’est bien la seule chose qui paye en ce bas-monde : le capital.
Les apparences, c’est du vent. Mais dans une société moins préoccupée par ce vent, Catherine, la voix d’or de mon jazzclub, vivrait dignement, tandis que Nicky-Ménage ferait la poussière dans un sex-shop, ce qui irait à son patronyme comme un gant.