Vous l’avez peut-être deviné, ce n’est pas un épisode classique. La cliente que j’ai dessinée ici est en réalité une lectrice très généreuse. Elle m’a envoyé des photos et quelques mails qui m’ont permis de la connaître un tout petit peu et de l’imaginer dans mon tac.
Un trait m’a touché en particulier : elle m’a confié qu’elle partageait mes questionnements actuels — pour faire court, ma période de déprime. Elle se pose les mêmes questions que moi, regarde le monde tourner dans un sens qui n’a aucun sens… Le quotidien nous semble creux à tous les deux. Nous partageons pourtant des idéaux et des rêves d’accomplissement… Mais voilà, l’humanité nous déçoit. Le monde est sublime — était sublime ? — mais l’homme le rend passablement détestable, et il nous semble traverser l’une de ces époques où la féérie de la vie sur Terre est pulvérisée par l’égoïsme de l’humanité.
Alors vous me voyez venir et vous vous dites : « cette espèce de vieux moraliste va encore donner une interprétation politique à tout ça ». Eh bien vous vous trompez. Je ne vais pas analyser pour la énième fois — l’énième fois ? il y a débat entre le champion du monde d’orthographe et les habits verts — ce qui ne va pas et pourquoi nous en sommes là et las, hélas.
Je vais juste vous dire un mot de la misanthropie. Pour réinventer la formule de l’autre bigleux, là, c’est la misanthropie qui est un humanisme. Je le crois vraiment.
Je crois être très misanthrope, et le grand’œuvre de mon humble vie — ces quelques planches de bande dessinée — plaident en ce sens. J’adore détester les gens. C’est un bonheur de traquer leur petitesse, de débusquer la médiocrité qui souvent les anime et m’anime moi-même. Les gens sont décevants. C’est cela, la misanthropie : rencontrer des individus et les voir décevants, partout, avec une constance qui appelle l’admiration.
Or, qu’est-ce que la déception ? Une occasion manquée. Si je suis déçu par les hommes, c’est parce que d’abord, je vois le potentiel immense de l’humanité. Admirant sans cesse les plus grands artistes, les plus grands auteurs, les martyrs de la tolérance et de la liberté, pétri de rêves de fraternité, je suis déçu quand je vois Eric Zemmour débattre avec une chiffe molle d’En Marche sous les applaudissements de cerveaux préemptés par Bolloreux. Ne pas être déçu, ce serait accepter que l’humanité se réduise à ce spectacle affligeant. La misanthropie est un humanisme. Et si je n’avais pas pris pour pseudonyme « Michel de La Teigne », j’aurais choisi « Misanthrope humaniste ».
Nom d’un zygoptère unijambiste ! A peine vingt lignes et je retombe dans la politique. C’est plus fort que moi. Pardonnez mon péché, il est mignon.
Si vous aussi, vous voulez financer mes achats d’encre, m’encourager à continuer, ou simplement me faire dessiner votre sale tronche avec tendresse, c’est ici : soutenir le misanthrope humaniste.