Galerie Toutes les histoires Qui suis-je?


Salaud de Gérard ! Ça fait trente ans qu’il fait tout pour mourir avant moi. Et il va y arriver, le fils de puce ! Je vais rester tout seul dans ce monde décadent.

À quoi m’a servi de résister à l’appel de la cigarette depuis mon enfance ? De boire raisonnablement quand mes amis se mettaient minables ? Si je tenais le petit Michel de seize ans, qui était déjà un sale con de moraliste, je lui dirais de se mettre une murge, tiens ! Parce que franchement, plus ça va, plus j’ai envie de mourir jeune…

(En même temps, j’ai cotisé pour ma retraite. Par respect pour les militants des luttes sociales, je me dis que ce serait indécent de laisser le montant de mes pensions aux fossoyeurs des Jours Heureux dont ce petit Macron… Quel cruel dilemme ! Avoir une conscience sociale est épuisant.)

Je me dédis. Évidemment que je suis heureux d’avoir été assez rebelle pour ignorer les sirènes des rouleurs de cigarettes, des frelateurs d’alcool et leurs publicités infâmantes ! Oui, infâmantes, le mot n’est pas excessif. Jugez plutôt :

« Souffle dans sa gueule, elle te suivra partout. » Le pire, c’est que c’est vrai. Il suffit d’acheter Hollywood, et ça devient vrai.

Depuis la chute de l’URSS et la victoire des États-Unis, je songe souvent à la manière dont les vainqueurs écrivent l’Histoire. Car les morts du tabac et de l’alcool sont en grande partie les morts du capitalisme. Qui les juge ? Qui les condamne ? L’ingéniosité macabre dont les publicitaires font preuve pour vendre du poison m’amène à considérer que les dizaines de millions de victimes de l’alcoolisme ou du tabagisme sont mortes pour que quelques centaines d’actionnaires s’enrichissent.

Nous considérons, à juste titre, que les victimes du goulag ne le méritaient pas. Mais qui peut penser que les victimes de la publicité méritent de mourir d’un cancer du poumon ou du foie ? Si les capitalistes avaient perdu, nous compterions les dizaines de millions de vies sacrifiées sur l’autel du profit et condamnerions moralement ces génocidaires.

Si les capitalistes perdaient demain, nous pourrions même extrapoler et démontrer – je crois que ce serait aisé – que les dommages colossaux et sans commune mesure infligés à la nature, au climat, aux autres espèces et aux centaines de millions de futurs réfugiés climatiques sont le fait d’un mauvais système économique, d’une mauvaise allocation des ressources, bref, des folies pures que constituent la croissance infinie et la recherche du profit. Ce discours porterait.

Ce discours portera un jour, j’en fais le pari. On n’entend que le récit du vainqueur, du plus puissant. Le jour où les faits démontreront, indéniablement, que la recherche du profit et la croissance ont ravagé la planète et une bonne partie de l’humanité, ce jour-là, on établira les responsabilités. Ce qu’on appelle l’extrême-gauche les établit déjà, mais elle est inaudible. L’extrême-gauche est assimilée au camp des vaincus, elle y est maintenue par les vainqueurs et leurs héritiers, qui n’ont pas d’idées mais qui ont suffisamment d’argent pour s’en passer.

On aurait vraiment dû guillotiner plus de monde.

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