Je n’ai rien de personnel contre les filles qui portent des créoles, ni contre celles qui ruminent leur chouingomme la gueule ouverte. En revanche, je n’aime pas Candy Crush. Pour 2 raisons.
D’abord, parce que c’est vraiment le jeu le plus con du monde. Aligner des bonbons en forme de saucisse pour les faire disparaître trois par trois… C’est tellement stupide, que ça en devient vite aliénant. Je suis sûr que si j’avais fait un AVC, ma cliente n’aurait pas appelé les pompiers avant de finir son niveau 158. En plus, le modèle économique de ce jeu interminable, dans lequel il faut payer pour avancer - avancer vers quoi ? on se le demande, c’est toujours pareil ! - est d’un cynisme absolu. Les clients de Candy Crush devraient se rendre compte que les vendeurs les voient vraiment comme du bétail… Et que l’abattoir rapporte tout de même 2 milliards de dollars par an (le PIB de la Gambie).
La deuxième raison de mon mépris pour ce jeu est beaucoup plus importante : c’est que le loisir doit rester à sa place. Je peux très bien comprendre qu’on ait besoin de se détendre après une journée de boulot harassante - surtout quand on est salarié, et qu’on ne sait pas très bien pourquoi son couillon de patron exige ceci ou cela. Je comprends très bien qu’on lise, qu’on fasse du sport, qu’on joue - à des jeux plus intéressants que Candy Crush - qu’on écoute de la musique… Mais on ne peut pas uniquement travailler et se détendre dans la vie, trimer et « se vider la tête ». C’est déshumanisant, et c’est irresponsable.
A un moment de sa semaine, il faut se demander : Qu’est-ce que je peux faire pour ce monde ? Pour les gens qui ont eu moins de chance que moi, à la naissance ou dans leur vie ? (Je vais passer pour Mère Teresa mais je continue.)
C’est d’autant plus impératif que l’on a davantage de pouvoir. Vous avez eu une bonne éducation ? De bonnes conditions matérielles ? Vous êtes en bonne santé ? Bénéficiez d’un grand confort affectif ? Alors vous avez du pouvoir. Le pouvoir d’agir. Le pouvoir, c’est la possibilité physique, psychique, matérielle et intellectuelle d’agir, c’est aussi simple que cela. Et avec le pouvoir vient le devoir.
Personne n’est obligé d’aller s’occuper des Intouchables en Inde. Mais parmi les gens qui ont du pouvoir, chacun doit trouver sa manière d’agir. Moi qui estime avoir bénéficié d’une bonne éducation, d’un confort affectif et d’une bonne santé, par exemple, j’essaie de transmettre ma vision du monde dans ce modeste blog, une fois par semaine. Ce qui ne m’empêche pas de comater sur mon canap en écoutant du jazz, après certaines nuits difficiles en taxi.
Chacun doit connaître son pouvoir et trouver sa manière d’agir. Mes clients - souvent puissants - ne se posent pas tous ces questions, malheureusement.
Michel de La Teigne