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Vous voyez : je suis gentil. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Alimatou ! Une femme au-dessus de tout soupçon. Evidemment, j’aurais préféré qu’elle dise « canon » ou « beau gosse », pour ne pas courir le risque de la friend-zone, comme disent les Fanges de la télé-réalité - devenir son meilleur pote, quoi, celui qui ne sortira jamais avec elle. Mais elle a dit que j’étais gentil… C’est déjà ça.



Alimatou, elle, est courageuse.

Enfin, je ne sais pas… Après tout, elle n’a pas le choix. J’imagine qu’elle s’est retrouvée là parce qu’il faut bien gagner son pain, que le capitalisme est cruel ou que le marché de l’emploi est difficile… Même Arnaud Montebourg se retrouve à produire du miel, une activité humiliante aux yeux de ses « amis » politiques, alors vous voyez, personne n’est épargné…

Comme elle n’a pas le choix, on pourrait se dire qu’elle n’a pas de mérite, d’endurer ça… Mais je la trouve courageuse, moi, dans sa manière de le vivre. Je l’ai déjà prise six fois en taxi - les deux derniers mots sont importants - et je ne l’ai jamais vue se plaindre ou s’apitoyer sur son sort. Il y a une forme de sacerdoce à exercer le métier de pute, et c’est sans doute plus difficile de vider les couilles d’hommes frustrés ou libidineux que de soulager les consciences de pêcheurs en quête de pardon divin. D’où cette idée de sacerdoce. Vous me suivez ?

Prêtre et pute, des activités pas si éloignées… D’ailleurs, au Moyen-Age, une bonne partie des bordels parisiens étaient gérés par l’Eglise catholique, qui y oyait un facteur de paix sociale. Illustration : Clovis Trouille.

C’est un métier dégradant, évidemment. Même l’escort-girl la plus camée du monde doit avoir des doutes, se dire qu’elle est aux marges de la société et perdre de sa propre estime, parce que toute la société la méprise - à part les gros porcs du CAC40 qui peuvent se la payer et, eux, ajoutent à leur mépris une grande dose de cynisme. Je trouve qu’Alimatou est très digne, et je ne le dis pas pour la flatter. Ok, pas uniquement…

Il y a d’autres métiers dégradants. Nettoyer toute sa vie les chiottes des riches qui, même chez eux, répugnent à utiliser une brosse à chiures, ou défiler sur des podiums en se faisant reprocher de dépasser les 45 kg alors qu’on ne mange plus rien, c’est humiliant. Et travailler dans un simple bureau peut l’être, aussi : tout dépend de la personnalité du manager et du niveau de mercantilisme de l’employeur. Je ne suis pas sûr que pute soit pire que téléopérateur ou équipier McDo : l’aliénation est induite par la division du travail - Marx l’a expliqué, et Adam Smith avant lui, n’en déplaise aux libéraux ignorants. Devrait-on considérer que se bousiller la cervelle au travail est moins grave que de se bousiller la chatte ? Je n’en suis pas sûr.



Dans un monde idéal, Alimatou ne serait pas prostituée, mais peut-être saxophoniste ou chef trois étoiles… Et je ne serais pas chauffeur de taxi, mais auteur de bd à plein temps. On peut rêver…

Michel de La Teigne

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