Galerie Toutes les histoires Qui suis-je?


Mouais. On dirait que je me rapproche, comme ça, mais je crois surtout que je suis en train d’entrer dans le pays d’où on ne revient jamais : la zone amie. Enfin, la friend-zone.


Toute ma vie, ça a été comme ça : les filles qui me plaisaient, je suis devenu leur confident. Pas moyen de construire une relation amoureuse - à part avec mon ex-femme, et Dieu sait comment ça s’est terminé (si vous n’êtes pas Dieu, je le raconte ). Je leur parle trop, je dis les choses franchement, je n’ai pas de secret à dissimuler : ça tue tout le mystère. J’écoute, mais je ne sais pas fermer ma gueule : je m’empresse de répondre, d’argumenter, d’ergoter : tout devient rationnel et ennuyeux avec moi. L’amour a besoin d’absurdité, de bêtise mièvre, d’inconsistance, et tout ça m’horripile. Pourtant, je fais des efforts avec Alimatou : 45 ans d’expérience en échecs amoureux, ça vous forme. Je n’ai pas l’impression d’être lourd…

Non, mais Gérard a raison, soyons réalistes : je suis trop vieux et trop moche pour elle, c’est tout. Le reste, ça pourrait s’arranger, on est prêt à accepter beaucoup de défauts chez quelqu'un de beau… Mais un vieux croûton rassis, c’est irrécupérable. Je le sais bien : ce ne sera jamais le grand amour avec Alimatou.

Peut-on trouver un équilibre, elle et moi… Un arrangement ? J’ai toujours méprisé les mariages arrangés : ces jeunes poufs qui épousent des richards à teintures par paresse, pour s’épargner à jamais de devoir travailler…

Mais si, elle l’aime ! Il bosse dans la finance, il lui a offert une maison de 750 m2 à Manhattan et une bague à 83.000€… Comment ne pas succomber à son charme doré ?

Mais elle et moi, c’est différent. Ce serait un arrangement d’une autre nature. D'abord, parce que je n'ai pas d’argent : il faudrait qu’elle m’apprécie pour mon esprit, ma gentillesse - heureusement qu’elle ne me voit pas avec d’autres clients - et mon respect : c’est quand même moins banal que tout le fric d’un vieux beau ! Quant à moi, j’aurais en échange sa beauté et sa jeunesse bien sûr, mais aussi son humanité, cette capacité à se battre dans le monde actuel alors que moi, je l’ai presque abandonné, le monde, pour n’en avoir qu’une approche intellectuelle et donc abstraite. Elle me relierait profondément aux autres, je crois ; elle serait mon visage le moins misanthrope.


Quel étrange arrangement ! Je délire, peut-être. Alimatou… Rappelle-moi vite.

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