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Un bourgeois qui parle d’art, c’est comme si moi, je parlais de broderie. En général, le bourgeois n’y connaît rien, mais il juge. Il encense et il condamne, comme s’il était lui-même artiste, sous prétexte qu’il a les moyens de se payer les spectacles les plus chers. Ce qu’il ne sait pas, c’est que les spectacles les plus chers ne sont jamais les meilleurs, et qu’il a le fonds culturel d’un enfant de 4 ans.

Alors le bourgeois débourse 200 € pour emmener sa femme voir Arditi - avant d’aligner 200 € de plus pour déguster une entrecôte Davigel dans un restaurant dégueulasse, mais très chic. Arditi en avril… Palmade en mai, Ladesou en juin, Huster en septembre. Comme un chien ne peut s’empêcher de renifler toutes les crottes qui se présentent à lui, le bourgeois se fait systématiquement avoir par deux armes : les têtes d’affiche et les textes insipides. Arditi est parfait : il est la tête d’affiche du théâtre parisien depuis 1945 - j’exagère à peine - et s’applique à ne jouer que des pièces inoffensives sur la vie de couples… bourgeois, comme son public. En plus, il a un badge « vu à la télé dans des séries médiocres qui vont bien avec des sushis fadasses ».

Arditi fut un bon acteur. Plus jeune… Mais la vieillesse en a fait un croûton collé à la casserole du succès, qui accepte n’importe quel texte puisque, de toute façon, le bourgeois s’en fout du texte, il vient voir Arditi. Le bourgeois vient aussi au théâtre pour y rencontrer d’autres bourgeois : son banquier, sa belle-sœur et ses amis proxénètes ne manquent jamais une pièce d’Arditi. Il faut bien avoir l’air cultivé. Mais alors le texte, il s’en branle comme de la pauvreté dans le monde. Le bourgeois achète des livres pour avoir une belle bibliothèque, mais lire ? Quelle perte de temps !

Et il y a pire. Le théâtre est devenu un centre de recyclage pour les déchets du petit écran. Le transparent Stéphane Plaza, la grabataire Amanda Lear, le VRP Julien Courbet et même la cireuse professionnelle Michel Drucker - vingt chaussures à l’heure - dans leur soif infinie de reconnaissance et d’égo, considèrent que le métier d’acteur n’est pas digne d’être exercé par des personnes compétentes. On est donc obligés de se les taper sur des colonnes Morris et à l’affiche des grandes théâtre parisiens, même quand on a tout fait pour les éviter, en défenestrant sa télé par exemple.

Croire qu’un animateur de talk-show puisse remplacer un acteur… Quel orgueil ! Et ce mépris absolu du travail artistique n’est pas propre au théâtre. Dans la chanson aussi, on recycle les chaussettes trouées de la télé : Risoli et ses bananas, Hondelatte et son Mickey Mouse, Natacha St-Pier et son… Ah, pardon, on me signale que celle-là chantait avant de faire de la télé. Ce serait même son métier, me dit-on… Désolé, son apport au patrimoine musical ne m’avait pas frappé.

L’art… Un grand mot, de grands hommes. Le plus dur, c’est de choisir.



Vous voulez retourner au théâtre, et que ça en vaille la peine. Alors, un conseil simple : fuyez les têtes d’affiche ! Paris est plein de merdes comme « Ma femme préfère mon psy » avec Bernard Menez, mais Paris est aussi rempli de salles qui, pour 20€, proposent des spectacles de qualité, avec des textes lumineux, des acteurs courageux, de vrais metteurs en scène… Bref, tout ce qu’on ne trouve pas dans une pièce avec Arditi. Alors allez-y, bon Dieu ! Et rassurez-vous, Arditi continuera à gagner sa vie avec des téléfilms, jusqu’à sa mort, dans 120 ans.

Michel de La Teigne

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