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Le mois dernier, cette sondachieuse de l’institut Sondométrie - « Sondométrie, les sondaches qui vont au fond des choses » - montait dans mon taxi et j’en profitais pour vous livrer ma première leçon de sondaches, sur les questions orientées (c’était ). Hier, elle m’en a redemandé, la petite ! Voici donc une deuxième leçon sur une autre merveille sondachière, qui permet de faire dire tout et n’importe quoi à n’importe qui… J’ai nommé : l’ignorance des sondés. Tout journaliste qui se respecte l’a bien compris : l’ignorance des braves gens a des vertus précieuses.



C’est très simple : vous posez une question technique à des gens normaux. Une question qui nécessite un tel niveau d’expertise… qu’ils n’ont pas la moindre opinion sur le sujet. Etes-vous d’accord avec telle loi ? Comme si les sondés avaient le temps de lire les amendements votés chaque jour, et disposaient des compétences juridiques nécessaires à la compréhension de documents de 600 pages rédigés dans le monstrueux style administratif français. Autant demander au Pape ce qu’il pense du couple, ou à Hugo Lloris son opinion sur le transhumanisme.

Une question mal posée et des sondés ignorants : tout le monde peut faire des sondaches pourris !

Du coup, en tournant bien sa question, on obtient exactement la réponse que l’on souhaite de ces braves sondés : Ne pensez-vous pas que le cannabis, drogue extrêmement dangereuse pour nos jeunes, doive rester interdit ? demandera-t-on pour obtenir 80% de «Si, bien sûr !» Et le Point pourra titrer sur « le mal du siècle », braquer l’opinion contre les dealers basanés et accuser la gauche - ou plutôt, ces gens qui se croient de gauche, là-haut - de laxisme… Sans jamais s’être interrogé sur les effets précis qu’aurait la légalisation du cannabis. Notre ignorance est une bénédiction pour les sondachieurs, une aubaine pour nous manipuler.

Si les gens étaient un peu moins prétentieux, on aurait 95% de « Ne se prononce pas » sur ces questions techniques, et les sondachieurs seraient bien embêtés de voir que leurs résultats ne sont pas exploitables… Peut-être - on peut rêver - se rendraient-ils même compte de la stupidité profonde de leur démarche.

Manque de peau, 95% des sondés tombent dans le panneau. Les gens adorent donner leur avis, surtout quand ils n’ont rien à dire. Ils sont tellement frustrés par leur absence de pouvoir politique, qu’ils pensent qu’on leur donne de l’importance à chaque fois qu’on leur demande leur avis.

Mais misérables brins d’herbe, le sondachieur s’en fout, de votre avis ! Il est payé pour produire un sondache, par un journal ou par un politicien d’un bord précis, dont les intentions sont claires comme de l’eau de source. Il s’en branle de votre avis ! Sinon, il prendrait le temps de vous éclairer sur un sujet, avant de vous poser des questions aussi techniques !

Et voilà comment sont produits des sondaches médiocres aux intentions douteuses.

Pire que le sondache technique ? Le référendum, utilisé comme un super-sondache manipulatoire. On a voté non en 2005, à une Constitution européenne incompréhensible qu’ils ont été ravis de valider dès 2007. Merci de nous avoir demandé notre avis. On s’excuse de s’être trompés.

Plusieurs candidats à la présidentielle promettent de nous « consulter » à nouveau - en un seul mot - s’ils gagnent l’élection, sur le nombre nécessaire de parlementaires ou l’unification des régimes de retraite par exemple, comme s’il s’agissait de problèmes aussi simples que les questions SMS de Nagui. Mais avant de nous faire croire que nous serions aux manettes, nous, le peuple… Il faudrait déjà nous éduquer, soutenir notre civisme et notre esprit critique, pour nous donner les moyens d’exercer le pouvoir…



En attendant, le sondache a de l’avenir.

Michel de La Teigne

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