Galerie Toutes les histoires Qui suis-je?


Il fallait que je lui dise. Le secret est trop lourd à porter. Et puis les psys, ça sert à ça.


Je suis globalement à l’aise avec ma double identité. Être un simple taxi pour les clients qui montent dans mon tac, et un personnage dessiné avec un nom d’emprunt pour mes lecteurs est plutôt confortable. Je ne suis pas forcé d’être Michel de La Teigne quand je veux n’être que moi-même, un type discret, médiocre, presque invisible. Je vous assure que dans le regard de certains bourgeois, un taxi est un invisible.

Il arrive qu’un lecteur ou qu’une lectrice me demande par e-mail s’il est possible de réserver une course. Je refuse toujours. Cela fait plus de six ans que je préserve mon anonymat, je ne vais pas commencer à mélanger les genres.

Et puis je sais que vous seriez déçus. Alors c’est ça, Michel de La Teigne ? Il a encore moins de cheveux que dans la bd. Il a une gueule bizarre. Il a même l’air gentil, c’est nul ! Et surtout, il est tellement moins drôle… C’est comme si Jean-Pierre Bacri, au lieu de faire du cinéma, était devenu buraliste. Tu parles d’une déception…

Hélène, Mylène, Céline et Mireille – les prénoms n’ont pas été changés car j’assume nos polyamours platoniques ! – je veux rester pour vous ce beau gosse d’encre et de papier, plus séduisant qu’Austin Powers.

Avant moi, d’autres ont réalisé de belles impostures. Il y a par exemple le chevalier d’Éon, maître espion au service de Louis XV, dont personne ne savait de son vivant s’il était un homme ou une femme.

Les représentations artistiques qui en sont faites penchent toujours d’un côté…

Moins connu des fans de Mylène Farmer, un autre Français du siècle des Lumières, Georges Psalmanazar, parvint à faire croire à toute l’Europe qu’il était de Formose (l’actuelle Taïwan) et créa de toutes pièces une langue, un alphabet, une syntaxe, des traditions et des représentations graphiques pour servir ce mensonge. Deux siècles plus tard, un certain Victor Lustig, travesti en directeur au Ministère des PTT, réussit un tour de force plus extraordinaire encore : invitant des patrons de l’industrie du métal à l’hôtel de Crillon, il parvint à leur vendre la Tour Eiffel en leur promettant qu’elle serait démontée rapidement car son entretien coûtait trop cher à l’État. Génial ! Mais trop gourmand. En voulant réitérer la même arnaque, un mois plus tard, Lustig fut dénoncé à la police…

Mais il s’agit là d’un type particulier d’imposteurs : les escrocs. Sans vouloir voler personne – car vraiment, un vieil anticapitaliste comme moi n’y prendrait aucun plaisir – je me vois plutôt comme un artiste imposteur.

Archibald Belaney, dit Grey Owl, fils de Britanniques, parvint au début du XXème à se faire passer pour un authentique Amérindien d’une tribu ojibwé. Amoureux sincère de la nature et de sa préservation, il se servit de cette imposture pour défendre fervemment l’écologie dans des conférences, des articles et des livres. Même si la supercherie fut découverte, son œuvre est aujourd’hui reconnue et honorée par des écologistes sincères.


Voilà le genre d’imposture que je crois honorable. Si vous deviez, comme ma psy, en apprendre un jour davantage sur moi, ne me méjugez pas et considérez que j’ai fait cela pour défendre de belles idées.

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