Galerie Toutes les histoires Qui suis-je?


Ce genre de contorsion intellectuelle m’a toujours semblé pathétique. Etre contre l’infidélité, mais se trouver une excuse à la première occasion… Ce serait drôle, si ce n’était qu’une histoire de fesses.


Le problème, c’est que la même démarche intellectuelle permet à un tombereau d’imbéciles de justifier des fraudes fiscales, des mensonges politiques, des licenciements « responsables », etc. Prenons le cas d’un bourgeois bien éduqué. Mettons-nous à sa place (juste une minute, ne vous inquiétez pas, c’est sans séquelles) en trois étapes :

  • A. Je suis quelqu’un de bien, j’ai toujours respecté les règles. Je ne suis pas une de ces racailles qui importunent les braves gens… Bande de voyous !
  • B. Payer mes impôts ? Bien sûr, évidemment. Enfin, il y a tellement de gâchis, l’argent public est dilapidé, c’est révoltant… Franchement, si l’Etat le jette par les fenêtres, grmbl…
  • C. Mais c’est leur faute, aussi ! Tous ces fonctionnaires gauchistes avec leurs avantages, et qui n’en foutent pas une. Si l’Etat était mieux géré, je vous assure que je paierais mes impôts ! Mais là, c’est une honte. Je suis obligé d’investir mon argent pour qu’il ne soit pas perdu, je ne peux pas faire autrement. En finançant l’économie réelle, blablabla

Voilà comment des gens bien comme il faut, avec des principes, mettent en péril la société. Et le pire, c’est qu’ils ont la conscience tranquille : ils ne dérogent à leurs principes que par exception, quand les circonstances l’exigent - pratique, cette formule. J’aurais aussi pu prendre l’exemple du prêtre pédophile, qui fait tellement de bien autour de lui, qu’il peut bien céder à la tentation une fois ou deux, pendant les vacances scolaires : c’est la faute des enfants aussi, ils oublient de fermer leur braguette.

Ce genre de moralité, basé sur des principes et des entorses aux principes, est dangereux.

Je vous propose une autre forme de moralité. Je ne crois pas être quelqu’un d’amoral. On me reproche plutôt l’inverse : d’être chiant et de donner des leçons. Et pourtant, je n’ai pas de principes. Je n’ai pas besoin de principes, comme un enfant qu’on protège contre lui-même à l’aide de conseils simples. Je comprends très bien les conséquences de mes actes : je suis un adulte éduqué, comme vous. Je me contente donc d’appréhender chaque situation en me demandant ce que je peux faire, et quel effet aurait chacun de mes choix. Et je choisis l’acte qui me semble le meilleur à un instant T. C’est tout. Pas besoin de principes pour être moral. De l’esprit critique, de l’indépendance : basta.

Les commandements : exemple typique de principes destinés aux simples d’esprit. Jean Moulin a fait tuer pas mal de monde, Romano Mussolini n’a pas vraiment honoré son père… Ce qui ne les empêche pas d’être de bons gars.


Oubliez vos principes. Oubliez les commandements, les conseils de votre mère et les lois trop rigides. Vous avez grandi. Vivez sans règles, et réfléchissez. Vous êtes prêt à être quelqu’un de libre. Quelqu’un de bien.

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