Comme chacun sait, les banquiers ne font plus leur boulot depuis longtemps. Le problème, c'est que les éditeurs sont les banquiers des livres...
La médiocrité de la production littéraire actuelle a atteint un degré insoutenable. Si Arthur Rimbaud était né il y a trente ans, il serait en train de se suicider, désespéré d'être un chômeur refusé par tous les éditeurs. Victor Hugo, quant à lui, serait caissier dans un Lidl.
Les éditeurs ne prennent plus de risques ! Le voilà, le problème. Ils se comportent comme des fonds de pension, exigeant un profit immédiat, sûr et juteux. Dans le monde du business, cela donne des entreprises socialement irresponsables et des produits médiocres, bourrés d'obsolescence programmée. Dans le monde des livres, cela donne des ouvrages insipides, pleins de vide, que chacun peut lire sans le moindre effort, mais surtout sans rien apprendre, sans rêver, sans penser, sans vibrer. Des livres-gadgets, en somme, bons à acheter chez Carrefour et à jeter dans la poubelle jaune.
Le point d'orgue de cette recherche de profit, c'est les feel-good books. Un feel-good book est à la littérature ce que Koxie est à la musique, ce que Five Guys est à la gastronomie et ce que Une histoire, une urgence est au cinéma.
Les éditeurs se justifient en expliquant qu'ils n'ont matériellement pas le temps de lire les manuscrits qui leur sont adressés. Ils se contentent d'une sélection drastique - éliminant tout ce qui est original, donc difficile à appréhender - puis d'un survol expéditif pour se donner bonne conscience. D'accord, le volume de manuscrits à traiter est effrayant (je donne des chiffres ici) mais bon sang, c'est leur boulot ! C'est à eux de mettre en place des processus efficaces, de recruter des employés pour faire le tri ! Encore faudrait-il qu'ils aient un peu de volonté et d'ambition. Les éditeurs ambitieux se comptent sur les doigts d'une main - et encore, la main de Lula.
Comme je n'en connais pas, moi, d'éditeur ambitieux, je préfère vous offrir directement mes bd et mes textes. Je n'ai pas ma gueule en 4x3 dans le métro, je ne dispose d'aucun ponte du marketing à mon service, mais au moins, je ne subis aucune pression sur le contenu de mon travail. Et puis, si vous voulez m'aider à sortir un jour un album ou mes Essais illustrés de La Teigne, vous pouvez toujours me dire que vous m'aimez ici.
Et n'oubliez pas : le parfum du trésor est plus fort quand tu comprends que tu n'en as qu'un. Miaou.