Eh oui, Alice ! Tu es née femme et tu le resteras. Sauf si tu es transsexuelle, mais même dans ce cas, tu ne choisiras pas. C’est imposé, ça fait partie du « cadeau de naissance ». Et malheureusement pour toi, on a l’habitude de voir les hommes mener le monde (à sa perte, mais c’est déjà un autre sujet).
S’il n’y avait que les règles, franchement, ce ne serait rien. Les plus grandes injustices envers les femmes ne sont pas naturelles - du reste, beaucoup de femmes s’estiment extrêmement chanceuses d’être les seules à pouvoir porter la vie. Les plus grandes injustices envers les femmes sont sociales, bien sûr.
Les textes religieux ont été les premiers à justifier ces injustices. On ne peut pas vraiment en vouloir aux écrivaillons de l’époque : tout le monde pensait que la femme était inférieure à l’homme, ils n’ont fait que documenter l’air du temps. Tous ceux qui, en revanche, considèrent depuis que ces vieilleries sont sacrées et infaillibles se rendent coupable de sexisme aggravé. Ils sont encore trop nombreux, hélas.
Et sitôt que la religion a commencé à faiblir, l’argent a pris le relais. La femme soumise et obéissante à son mari et à son Dieu a laissé la place à la femme décorative, désirable, vendeuse, idéale pour satisfaire les plus bas instincts des mâles prédateurs. La pub, la télé, le porno : le rôle de la femme y est toujours celui d’un morceau de viande. Cela doit être insupportable aux yeux de toute femme éduquée, mais les hommes s’en accommodent. C’est facile, pour nous : on est nés du bon côté. Rire gras, gros rot de mec de base, mwa ha harf.
Cette insistance des médias - au sens le plus large - à faire de la femme un objet plutôt qu’une personne nous empêche de passer au monde d’après. L’égalité des droits est acquise en Occident, mais l’égalité de traitement reste une lointaine ambition. Il paraît qu’en Scandinavie, on s’en approche. Je n’ai pas eu l’occasion de la vérifier.
L’homme a moins de comptes à rendre à l’apparence, à la bienséance ; la femme doit encore donner le change, convenir. La société veut l’occuper à plaire plutôt qu’à être. Moi qui n’ai jamais eu à justifier ma liberté, je trouve cela profondément injuste.
Alice, tu peux choisir d’être ce que le monde attend de toi. Tu peux aussi refuser de passer ta vie à faire plaisir, à tes parents, à tes amies, à ton compagnon. Tu peux devenir quelqu’un de rare : une femme libre.